La pandémie a fait grimper les ventes de bière en ligne de 300 %, mais ce phénomène n’est pas une bulle

Peu après que la pandémie du coronavirus a empêché les ventes des établissements de consommation sur place au Canada, deux des brasseurs artisanaux partenaires de Molson Coors entreprise de boissons, Creemore Springs et Granville Island Brewing, ont lancé des magasins numériques afin d’offrir aux clients l’option d’acheter de la bière en ligne dans le confort de leur foyer.

Presque du jour au lendemain, les brasseries ont mis sur pied une opération de vente directe au consommateur afin d’aider à compenser la perte de ventes dans les bars. Durant les mois qui ont suivi, plus de 45 000 commandes de bière artisanale ont engendré des ventes nettes de 1,3 million $, établissant ainsi un modèle qui permet à des entreprises telles Molson Coors de prospérer dans un monde où le commerce électronique est devenu un important instrument de vente.

Comme le soulignait Patrick D’Anjou, vice-président, Ventes au détail, chez Molson Coors Canada, « C’était effectivement un secteur où nous envisagions de renforcer notre présence, mais la pandémie nous a obligés à y assurer une croissance plus rapidement. »

La rapidité avec laquelle l’entreprise a agi au Canada reflète sa plus vaste ambition globale d'accroître son volume de commerce électronique, une approche qui a évidemment été accélérée par la pandémie mondiale.

Delivery vans

Avant que la pandémie ne frappe cette année, les ventes d’alcool en ligne représentaient une minuscule partie du volume d’affaires, soit environ 2 % selon Bourcard Nesin, un analyste spécialisé dans l’industrie des boissons chez Rabobank. Un grand nombre de consommateurs ne savaient même pas qu’ils pouvaient acheter de l’alcool en ligne. Mais les consommateurs ayant l’âge légal pour consommer de l'alcool ainsi que tous ceux qui travaillent dans le système à trois niveaux aux États-Unis connaissent maintenant le marché en ligne qui représente actuellement 8 % des ventes totales, selon M. Nesin.

Mais il ne s'agit aucunement d’une bulle. Selon les experts de l’industrie, pandémie ou non, le commerce électronique va perdurer. Et les entreprises, que ce soit les fournisseurs, les distributeurs ou les détaillants, vont devoir mettre sur pied des stratégies en ligne au risque d’être laissées de côté.

Chez Molson Coors Canada, le commerce électronique est devenu un secteur de grande importance, l’objectif étant d’effectuer 30 % de toutes les ventes en ligne par l’intermédiaire des sites de commerce électronique des clients.

En juillet, Molson Coors a lancé son propre site de vente directe au consommateur, shipandsip.ca, où quelque 5 millions de consommateurs torontois peuvent acheter toutes les marques de bière produites à sa brasserie de Toronto, y compris Molson Canadian et Coors Light, avec une livraison le jour suivant.

Au Québec, l’entreprise a lancé sa plate-forme en ligne MyMolson qui permet aux restaurants d’acheter des boissons directement auprès de Molson Coors. En outre, Molson Coors a ajouté des pages « Achetez maintenant » sur les sites Web de ses principales marques qui dirigent les clients vers les sites Web de Molson Coors et des détaillants.

Les consommateurs canadiens ont vite adopté les options numériques. Il en de même pour les consommateurs aux États-Unis, ce qui a fait grimper les ventes en ligne de Molson Coors d’environ 200 % selon Sara Goucher, directrice, Commerce électronique, chez Molson Coors.

Patrick D’Ajou ajoute, « C’est la direction que prend désormais le monde. Il s'agit en fait de réagir aux comportements et attentes des consommateurs. »

La grande démystification

Comme le soulignait Sara Goucher, « Molson Coors cherchait à renforcer sa présence dans le secteur du commerce électronique avant la pandémie et l’infrastructure déjà en place lui a permis de réagir rapidement à un contexte qui donne maintenant la priorité au en ligne. Alors que les consommateurs sont devenus plus conscients des options en ligne, l’entreprise a accéléré ses efforts en vue de former sa force de vente sur la façon de saisir les occasions en ligne. Le secteur qui nous offre le plus de possibilités est la démystification du numérique et son intégration dans la routine quotidienne des représentants sur le terrain.  »

Afin de promouvoir le virage culturel de l’analogue au en ligne, Molson Coors a désigné le volet de la formation et de la sensibilisation à grande échelle comme une composante faisant partie intégrante de sa stratégie numérique. L’entreprise vise à faire du secteur en ligne un prolongement naturel de l’allée de bière en magasin. Elle encourage donc son équipe de représentants à faire des vérifications en ligne afin de consulter les stocks et les prix des détaillants et à s’assurer que les marques de l’entreprise sont appuyées par du matériel graphique et du contenu cohérents dans toutes les plates-formes numériques, tout comme ils le feraient dans une chaîne d’épiceries.

Sara Goucher poursuit en déclarant « Si vous faites le rapprochement avec le secteur en ligne, le virage au commerce électronique et ses exigences deviennent plus faciles à comprendre.  »

Les consommateurs s’attendent à un niveau de perfectionnement et de personnalisation de plus en plus élevé, ce qui implique que les entreprises de boissons comme Molson Coors doivent travailler rapidement pour s'approprier les acheteurs qui naviguent d’une marque à l’autre en ligne.

Comme le mentionnait Nigel Tordoff, chef de la direction, Clientèle, chez Molson Coors, « Il faut adopter le même comportement que les consommateurs. » 

Il faut de plus en plus mettre l’accent sur la commodité. Nigel Tordoff souligne que Coors Light a récemment emprunté la voie de la reconnaissance vocale qui permettra bientôt aux consommateurs de commander de la bière via leurs téléviseurs intelligents. « Nous repoussons les frontières plus rapidement que jamais alors que de telles innovations faisaient encore l’objet de scepticisme il y a seulement quelques années », d’ajouter M. Tordoff.

Virage permanent

Depuis ses débuts, Drizly, la plate-forme de commerce électronique d’alcool, faisait face à un problème persistant. En effet, un fort pourcentage d’Américains ne savaient pas qu’ils pouvaient acheter de l’alcool en ligne.

Tout a changé en mars dernier alors que les commandes passées à domicile en réaction à la pandémie du coronavirus ont bouleversé les habitudes d'achat, et ce, probablement de façon permanente.

Comme le déclarait Liz Paquette, responsable des observations sur les consommateurs chez Drizly, « Reconnue comme la principale plate-forme de commerce électronique d’alcool, Drizly a affiché une croissance sans précédent, atteignant 800 % au début de la pandémie. Cette croissance s’est ralentie depuis lors, mais se situe encore à 350 %.

De plus, l’entreprise a mené un sondage auprès des consommateurs qui a révélé que plus de 80 % des consommateurs vont continuer d’utiliser le commerce électronique à l'avenir et que plus de 70 % d’entre eux indiquent que leurs achats d’alcool en ligne vont représenter plus de 50 % de tous leurs achats. Selon Nielsen, les ventes d’alcool en ligne étaient en hausse de plus de 300 % durant la semaine qui s'est terminée le 4 juillet.

Liz Paquette poursuit en mentionnant « Il s'est produit un grand éveil en 2020. Et ce phénomène n’est pas près de s'estomper. »

Possibilités pour les distributeurs

Comme le soulignait Bourcard Nesin chez Rabobank, « La nouvelle réalité engendrée par la pandémie a aussi obligé les distributeurs de bière aux États-Unis à changer. Pendant longtemps, les distributeurs se sont montrés très sceptiques à propos du commerce électronique et avaient peur d’être mis de côté et que le système à trois niveaux aux États-Unis soit démantelé. Ils se demandaient ce qui se passerait si les marques étaient envoyées directement aux détaillants sans passer par eux et s’ils pouvaient naviguer de façon efficace dans le monde du commerce électronique sans que leurs marges de profit en soient touchées. Il est compréhensible qu’ils aient des inquiétudes. Personnellement, je crois que le secteur numérique offre toutes sortes de possibilités de valeur ajoutée. »

Jim Cole, président de Republic National Distributing Company, a indiqué dans le fichier balado sur les actifs liquides de Rabobank que son entreprise percevait le commerce électronique comme un moyen de laisser les représentants se concentrer à aider leurs clients en utilisant des données recueillies grâce à leur plate-forme de commandes en ligne. Les comptes clients peuvent commander sur le site Web plutôt que de marchander les produits avec les représentants.

Comme l’indique M. Cole, « La prise de commande exige beaucoup de temps et si un restaurateur ou un détaillant a la possibilité de le faire à sa convenance, cela rend les visites encore plus productives. »

La révolution commerce électronique a enfin atteint l’industrie des boissons, donnant ainsi aux consommateurs plus de possibilités de prendre des décisions en tout confort devant leur ordinateur. Pour tous les intervenants du système à trois niveaux, le défi consiste maintenant non seulement à retenir leurs clients, mais aussi à continuellement répondre à leurs attentes dans un contexte en constante mouvance.

Comme le dit si bien Nigel Tordoff, « Si on vous sert une bière vraiment mauvaise, il est difficile de vous demander d’en acheter une deuxième aussi mauvaise. Le même principe s’applique dans le monde commerce électronique. Si vous avez une mauvaise expérience en ligne, il est difficile de retourner et de risquer de vivre une autre mauvaise expérience.  »